Loading

Cet article est disponible en : 🇩🇪 Allemand

Axe oublié : Alsace, Lorraine, Sarre

D’une histoire industrielle commune à des opportunités d’avenir perdues

Editorial

Letartikel des Monats

Parfois, l’histoire ne s’efface pas par la violence, mais par l’indifférence.
Les régions d’Alsace, de Lorraine et de Sarre furent jadis les battements de cœur de l’Europe – nées du charbon, de l’acier et de la souffrance.
Aujourd’hui, à l’ère des nouvelles industries, elles pourraient à nouveau bâtir des ponts.
À la place, règnent l’indifférence politique, les vanités nationales et l’érosion silencieuse de la mémoire.
Cet article est un état des lieux – et un appel au réveil.

Elsaß Lothringen Saarland
Trois régions, un héritage : entre colombages, hauts-fourneaux et splendeur baroque se déploie l’histoire silencieuse de l’Alsace, de la Lorraine et de la Sarre.

Il fut un temps où l’Europe industrielle battait au rythme de l’Alsace, de la Lorraine et de la Sarre – des régions soudées par le destin et l’acier. Les guerres les déchirèrent, mais le charbon et le minerai les réunirent. Aujourd’hui, à l’ère de l’hydrogène, ces anciens ponts pourraient tracer de nouvelles voies. Pourtant : silence. Immobilisme. Et une occasion manquée qui pose question.

Pourquoi n’y a-t-il plus de stratégie commune ?
Pourquoi l’histoire de leur solidarité est-elle traitée comme un fardeau à oublier ?
Pourquoi la politique laisse-t-elle passer l’une des dernières grandes chances de ces régions – un avenir forgé dans l’esprit de leur passé commun ?

Communauté de destin : guerres, charbon et acier

L’histoire des régions frontalières d’Alsace, de Lorraine et de Sarre est une chronique de ruptures et de retrouvailles.
Après la guerre franco-prussienne de 1870-1871, l’Alsace-Lorraine fut annexée par l’Empire allemand, rendue à la France en 1918, réoccupée par l’Allemagne en 1940, avant de revenir définitivement à la France en 1945.
La Sarre, ballottée entre l’Allemagne et la France, partagea bien des fractures – politiques, culturelles et économiques.

Mais c’est sous terre que l’union se fit : charbon et minerai.
La Lorraine abritait l’un des plus grands gisements de minerai de fer d’Europe. La Sarre, elle, vibrait au rythme de ses hauts-fourneaux, de ses cokeries, de ses trains de marchandises sans fin.
Les ouvriers franchissaient des frontières invisibles : de Metz à Völklingen, de Sarrebruck à Thionville. Les familles se mêlaient, les langues se croisaient.

Ici, entre mines, hauts-fourneaux et sentiers frontaliers, naquit une forme de *patriotisme industriel* :
Celui qui vivait là se sentait autant Sarrois, Lorrain ou Alsacien que Français ou Allemand.

Du cœur industriel à la périphérie oubliée

L’effondrement de l’industrie lourde dans les années 1970-1980 plongea les trois régions dans une profonde crise identitaire.
Alors que Paris et Berlin investissaient dans les métropoles d’avenir, les anciennes terres industrielles furent abandonnées. Les aides s’évaporèrent. Le « redéploiement » resta un slogan.

La coopération transfrontalière, si souvent chantée dans les sommets européens, se réduisit à un enchaînement de petits projets sans vision d’ensemble.
La grande relance économique, culturelle et politique n’eut jamais lieu.
L’axe Alsace-Lorraine-Sarre, autrefois vibrant et fier, devint une roue oubliée au bord des grands États-nations.

Aujourd’hui : rêves d’hydrogène – et inertie politique

Ironie du sort : c’est la nature elle-même qui pourrait offrir une renaissance aux régions oubliées.
En Lorraine, dans le département de la Moselle, d’importants gisements naturels d’hydrogène ont été découverts – un trésor dans un monde avide de nouvelles énergies.

Ici pourrait renaître la vieille communauté de destin :
Un projet commun autour de l’hydrogène, des centres de recherche transfrontaliers, un nouveau corridor industriel le long de la Moselle.

Mais si l’on regarde autour de soi : rien.
Ni la Sarre, ni la Lorraine, ni l’Alsace ne présentent de visions d’avenir véritablement coordonnées.
L’occasion d’une renaissance s’évapore, telle l’hydrogène dans le vent.

Causes : égoïsmes nationaux, absence de vision, régions fatiguées

Les raisons du silence sont nombreuses – et peu flatteuses.

La France reste centralisatrice : Paris décide, les régions suivent.
Pour Paris, les provinces, qu’elles soient corses ou alsaciennes, sont des décors pittoresques, non des moteurs de l’avenir.

L’Allemagne pense en termes fédéraux – mais uniquement là où le pouvoir s’accumule : à Munich, Berlin, Hambourg.
La Sarre, réduite au rang de « petit Land », n’attire l’attention que lors des élections ou dans les débats sur la sortie du charbon.

Quant à l’Europe ?
L’Europe s’autocélèbre avec ses projets phares, mais derrière les brochures brillantes, elle n’offre aucune véritable stratégie pour les anciens cœurs productifs du continent.

Résultat :
À la Sarre, en Lorraine, en Alsace, les populations ressentent l’abandon.
L’identité s’effrite.
La mémoire s’efface.
Et avec elle, les dernières chances.

Ce qui serait possible – si l’on voulait vraiment

Le potentiel, pourtant, est évident :

  • Un cluster commun de l’hydrogène reliant Sarrebruck, Metz et Strasbourg en un triangle d’innovation.
  • Des projets d’investissements européens répartis selon les liens historiques, et non selon les calculs électoraux.
  • Un rapprochement culturel, à travers les écoles, les médias, les festivals célébrant l’histoire partagée.

L’axe oublié pourrait redevenir ce qu’il fut autrefois :
Non pas un arrière-pays, mais un cœur battant.


« Là où le charbon et l’acier édifiaient jadis des ponts, il ne reste aujourd’hui que le silence. Qui oublie son histoire commune, renonce aussi à son avenir commun. »

Alsace, Lorraine, Sarre – elles pourraient encore parler d’une seule voix.
Il ne leur reste qu’à la retrouver.


0 réponses

Laisser un commentaire

Rejoindre la discussion?
N’hésitez pas à contribuer !

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *