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Le bluffeur de Brigitte

Pourquoi Emmanuel Macron est le plus mauvais président que la France ait connu – et pourquoi nous aurions dû le voir venir.

Jack OReilly Sceau de Presse

✍️ Jack OReilly

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Jack O’Reilly écrit pour La Dernière Cartouche sur ce dont d’autres ne peuvent – ou ne veulent – pas parler. Ses textes sont froids, clairs et sans compromis. Pas de morale, pas de jargon idéologique – uniquement des faits, des chaînes, des réseaux. Il suit les flux d’argent, les structures de propriété et les stratégies de propagande à travers entreprises, rédactions et appareils politiques. O’Reilly a longtemps été reporter d’investigation à Londres et à Dublin, puis à Bruxelles. Depuis 2023, il travaille sous divers pseudonymes à Berlin, où il rédige un ouvrage intitulé provisoirement L’Usine du Réel.

📂 Rubrique : Le Coup de Grâce
🗓️ Publication : 24. mars 2025
📰 Média : La Dernière Cartouche

Au commencement, il y avait un sourire. Rasé de près, légèrement de travers, complice comme celui d’un lycéen convaincu de ne pas se faire pincer en train de tricher. Emmanuel Macron est arrivé tel un sauveur diplômé d’HEC. La France devait réapprendre à penser – et a fini par désapprendre à ressentir.

Car ce que Macron vend, ce n’est pas le changement. C’est la façade. Stylisée, repassée, aseptisée comme un couloir d’hôpital. Derrière la vitre, il n’y a pas un président – mais un vide qui parle un excellent français.

On l’appelle « Jupiter » – et il y a effectivement quelque chose de divin dans son maintien : le retrait, le silence, l’inintelligibilité. Jamais un président n’a été aussi loin du peuple tout en étant si souvent en gros plan. Il règne, il ne gouverne pas. Et quand il parle, on a l’impression qu’il a négocié avec lui-même avant. La démocratie, c’était avant. Aujourd’hui, on dit : Conseil des ministres – sur ordre.

Les Gilets Jaunes ? Il ne les a pas combattus, il les a ignorés, comme un directeur d’agence espérant que l’incendie dans le hall s’éteindra de lui-même.
La réforme des retraites ? Imposée comme une clause dans les CGU d’une application – juridiquement correcte, politiquement toxique.
Et les banlieues ? On peut être sûr d’une chose : il ne sait ni quelle odeur y flotte, ni ce que cela signifie d’y vivre. La France, pays des révolutions, vit aujourd’hui sous un président qui considère les révoltes comme des dysfonctionnements d’entreprise.

Mais la véritable révolte ne se joue plus dans la rue – elle mûrit dans l’isoloir. La montée du Rassemblement National n’est pas un accident de parcours, mais le résultat direct d’une présidence sourde par principe. Macron n’a pas freiné le RN – il l’a façonné. Pièce par pièce. Par chaque décret arrogant, chaque réponse évasive, chaque manœuvre tactique. Celui qui utilise l’adversaire pour se poser en moindre mal perd à la fin les deux : la crédibilité et la confiance.

Et ce qui reste, c’est la guerre. Macron, qui s’était d’abord mis en scène en goûteur diplomatique – quotidiennement au téléphone avec Poutine, en coup de vent à Kiev, encore plus en coup de vent à Moscou – a vite été désenchanté. Non pas comme faiseur de paix, mais comme spectateur avec abonnement téléphonique.
Sa fameuse formule « ne pas humilier la Russie » résonnait comme un nuage moral lancé en l’air. Aucun pays européen n’a autant insisté sur la complexité de la situation – sans jamais vraiment afficher de position claire.

Pendant que le Royaume-Uni livrait des armes, que la Pologne poussait des avions, et que l’Allemagne avançait lentement mais résolument, Macron parlait. Et parlait. Et parlait. En espérant qu’on le voie comme la voix de l’Europe – alors que plus personne n’écoutait vraiment.
Même à Paris, la rumeur enflait : Macron dirige-t-il, ou se contente-t-il de modérer ?

Londres l’a vite vu d’un œil méfiant – surtout après le fiasco AUKUS, quand Paris s’est vu humilié dans l’Indopacifique.
Berlin ? Hésitant. L’entente avec Scholz tenait souvent plus du décor que du partenariat. Macron plaidait publiquement pour des livraisons d’armes, mais sans coordination, parfois même sans substance – souvent en solitaire.
Quand Berlin freinait, Paris boudait. Quand Londres agissait, Paris jalousait.

Et avec Zelensky ? Une relation entre distance polie et accolade tactique. Paris l’accueillait pour briller – pas toujours pour aider. Aucun autre dirigeant européen n’a autant cherché l’image avec le président ukrainien – et aucun n’a autant dissimulé où finissait l’intérêt stratégique français et où commençait la communication.

En toile de fond, le rapport de Macron à Poutine reste une ombre portée. D’abord interlocuteur – presque compréhensif – puis soudainement sévère dans les mots… mais toujours avec un doute persistant : l’a-t-il jamais compris ? Ou voulait-il simplement donner l’impression de l’avoir compris ?

Et puis il y a l’Amérique. La France avait autrefois une relation fièrement distante avec la superpuissance. De Gaulle, le vieux lion, s’était retiré du commandement intégré de l’OTAN, parlait d’une « Europe libre de Lisbonne à Vladivostok » et ne confondait jamais amitié avec soumission.
Macron ? Il voulait exactement le contraire – et n’a récolté que du mépris. Avec Trump, il se montrait jovial, presque tendre : poignées de main, tapes dans le dos, défilés militaires à Paris pour un homme qui méprisait le multilatéralisme.
C’était une danse sur tapis rouge – mais Trump dansait seul. Macron applaudissait, poliment.

Et quand Trump est parti, Macron est resté là, comme un fan abandonné par son idole.
Avec Biden, il espérait un rapprochement, mais ne reçut que des sous-entendus.
La France, autrefois contrepoids à la tutelle transatlantique, est devenue figurante.
Le président qui se rêvait Jupiter ressemblait soudain à un délégué de classe au G20 – poli, appliqué, insignifiant.

La vision gaullienne d’une nation souveraine dans une Europe multipolaire est chez Macron devenue du folklore rhétorique.
Il la cite parfois encore – dans des entretiens avec Le Point. Mais qui écoute remarque vite : ce ne sont pas des convictions. Ce sont des citations.

Pendant ce temps, le pays se transformait sous ses pieds.
La pensée « woke » prospérait – surtout là où le réel pouvoir politique s’était déjà dissous : dans les médias, les universités, la politique culturelle.
Qui ne suivait pas était vieux, réac ou facho.
La scène LGBT devint symbole, vitrine et carte politique à la fois.
Et Macron jouait – élégamment, souriant, stratégiquement. La politique sociétale comme accessoire.

Et maintenant, à l’orée du second mandat, un nouveau drame se joue : le président a perdu les élections législatives – mais veut continuer à décider.
Alors il nomme des Premiers ministres contre le Parlement, contre la majorité, contre la République.
C’est le dernier spasme du modèle Jupiter.
Un homme qui se prend pour la Constitution quand elle lui sert – et pour un obstacle quand elle le freine.

Et si Merz devenait chancelier en Allemagne – qu’adviendrait-il de la relation franco-allemande ? Macron resterait-il ce pont européen autoproclamé, ou deviendrait-il un invité embarrassé au bal de la realpolitik allemande ?

Macron entrera dans les manuels d’histoire – mais pas comme visionnaire.
Plutôt comme l’homme qui a retiré à la France son pouls républicain pour lui coller une application.
Une présidence comme un selfie – parfaitement éclairé, mais vide.
Il ne fut ni dictateur, ni incapable, ni criminel.
Il fut pire : un gestionnaire du vide.
Un président qui n’a rien détruit – sauf l’idée que cette fonction puisse encore avoir un sens.

Là où de Gaulle tonnait, où Mitterrand mettait en scène, où même Hollande bredouillait encore, Macron souriait – et se faisait confirmer.
Par les médias, les marchés, les sondages.
La République devint décor, la fonction une plateforme.
Et la France ? Elle scrollait.

Ce qui reste, ce n’est ni le scandale, ni l’échec, ni la grandeur.
Ce qui reste, c’est un point d’interrogation doré :
À quoi sert un président, s’il se suffit à lui-même ?

Remarque sur la formule « l’Europe de Lisbonne à Vladivostok »

La formule souvent citée « une Europe de Lisbonne à Vladivostok » n’est pas une citation directe de Charles de Gaulle, bien qu’elle lui soit parfois attribuée à tort ou par simplification.
En réalité, de Gaulle a parlé à plusieurs reprises d’une « Europe de l’Atlantique à l’Oural », notamment dans un discours prononcé le 23 novembre 1959 à Strasbourg. Cette expression reflète sa vision d’une Europe souveraine, non soumise aux blocs de puissance que représentaient les États-Unis et l’URSS.
La version géographiquement étendue « de Lisbonne à Vladivostok » a été reprise plus tard par des responsables russes – notamment Vladimir Poutine – dans le cadre de projets de partenariat eurasiatique ou comme alternative stratégique à la domination de l’OTAN.
La formule conserve donc l’esprit du gaullisme, mais constitue une évolution postérieure, et non une citation authentique du Général.

Sources & Références

🧂 1. La formule originale de De Gaulle :
Citation : « Il faut que l’Europe existe de l’Atlantique à l’Oural. »
Traduction : « L’Europe doit exister de l’Atlantique à l’Oural. »
Date : 23 novembre 1959
Lieu : Université de Strasbourg
Autre occurrence : Discours à Moscou, 30 juin 1966

📘 Ouvrages de référence :
– Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, Tome 1 : Le Renouveau, Plon, 1970
– Frédéric Bozo, La politique étrangère de la France depuis 1945, La Découverte, 2012


🌶️ 2. La formule étendue par Vladimir Poutine :
Citation : « Мы предлагаем создать единое экономическое и гуманитарное пространство от Лиссабона до Владивостока. »
(« Nous proposons de créer un espace économique et humanitaire commun de Lisbonne à Vladivostok. »)
Date : Juin 2010
Lieu : Forum économique international de Saint-Pétersbourg
Autres mentions : Forums de Valdaï 2014, 2019, 2021

📘 Ouvrages de référence :
– Michel Eltchaninoff, Dans la tête de Vladimir Poutine, Actes Sud, 2015
– Margot Light, Putin and the Idea of Eurasia, International Affairs, Vol. 93, No. 6, 2017
– Textes officiels de Vladimir Poutine disponibles sur kremlin.ru

Un pied en prison© Bild: Marie Le Pen| La Dernière Cartouche Alle Rechte vorbehalten. Verwendung, Vervielfältigung oder Veröffentlichung – ganz oder in Auszügen – nur mit ausdrücklicher schriftlicher Genehmigung. Zuwiderhandlungen werden zivil- und strafrechtlich verfolgt.
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Au commencement, il y avait un sourire. Rasé de près, légèrement de travers, complice comme celui d’un lycéen convaincu de ne pas se faire pincer en train de tricher.
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